L'église de fer
Ransbèche, 28 avril 2020
La Belgique,...autrefois deuxième plus grande puissance économique mondiale vit déployer dans ses villes et ses campagnes une industrialisation massive au cours du XIXs et du XXs. Les avantages économiques de ces industries auront un impact sur l’aspect du paysage urbain de nos régions. Si l’aspect champêtre se retrouve dénaturé par le nombre croissant d’usines, les hautes classes sociales reculeront également des villes pour établir des résidences secondaires. Des châteaux, manoirs démesurés se voient alors érigés en pleine cambrousse. Dans la commune de La Hulpe, dans le domaine d’Argenteuil en Belgique, après l’incendie de son château, un certain Ferdinand De Meeûs est sur le point de préparer un projet unique au monde.
Ferdinand De Meeûs
Il eut en réalité deux châteaux Meeûs à Argenteuil. Le premier fut construit dans les années 1830, par le comte Ferdinand de Meeûs. Et à la suite d'un incendie qui ravage le château à peine achevé, le comte construit un second château en 1858, exactement au même emplacement. Le nouveau château fut bâti dans un style renaissance française et est l'œuvre de l'architecte Jean-Pierre Cluysenaer. Mais la famille ne s’arrête pas là, après cet incendie et la guérison de leur fille, le couple De Meeus envisage la construction d’une église gothique et d’une école. Malheureusement les problèmes de santé de l’architecte Cluysenaer empêcheront la conception de l’édifice religieux. Ce fut finalement l’architecte Raymond Carlier qui reprit le projet de créer un édifice unique en son genre sur le domaine d’argent.
L'église de fer et le château d'Argenteuil
Un projet risqué
L’architecte Raymond Carlier envisage dans un premier temps de nombreuses idées novatrices mais une retient son attention. Il décide alors sans tarder de commander plus de 900 tonnes de métal dans les fonderies de Charleroi. L’édifice sera de fer et de fonte, une première au monde sur un plan architectural.
A partir de mai 1855, les chevaux font les aller-retour pour transporter le métal sculpté. Mais des problèmes surviennent, négligeant le travail de moulure, les entrepreneurs durent renvoyer 25 kilos de pièces défectueuses à l’usine. La dame de fer fut complètement finie en août 1862 et le montant des travaux annoncés à 260 000 francs, atteignit en réalité 400 000. Constituée d’une nef centrale d’une vingtaine de mètres de haut, de deux bas-côtés sous une toiture de fer, le bâtiment dominait, de ses 54 mètres de haut, jusqu’au lion de Waterloo. L’usage peu maîtrisé de ces matériaux dans l’architecture était très osé pour l’époque, il ne faut pas oublier que la tour Eiffel n’était même pas encore construite !
Malheureusement le comte ne put jamais contempler son bâtiment puisqu’il mourra un an avant la fin des travaux, ce fut son fils qui inaugura les lieux. L’édifice fut desservi dans un premier temps aux Frères Mineurs qui furent remplacés par les Pères Augustins vers 1900. Les Augustins quant à eux succédèrent en 1921 à la société des Aumôniers du travail.
L’église, attirant un nombre impressionnant de touristes tous les ans, permit de développement de la commune.
La fin de Notre-Dame de Fer
Les matériaux et le manque d’entretien du bâtiment installèrent un mal qui se propagea dans tout le bâtiment d’année en année. La Dame de Fer d’Argenteuil montra après 79 ans des problèmes structurels liés à la rouille, poussant la paroisse à envisager sa démolition. Dans l’édition du Magazine “AZ” de 1936, on décrit qu’il aurait fallu 300 000 francs de peinture tous les quatre ans pour l’entretenir. Pendant l’hiver, le curé devait chauffer les calices sous peine de voir son vin geler devant lui, en été c’était tout l’inverse, la chaleur y était étouffante.
C’est fut finalement en mai 40 que son sort fut scellé lors d’un bombardement. On réédifia alors une église à l’emplacement de l’ancienne sans jamais envisager de reconstruire un tel monument. L’église de fer d’Argenteuil reste encore à l’heure aujourd’hui le témoin d’une prouesse et d’une avancée architecturales du passé.

